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Drame de l'Immigration

Alice Catherine,  le 08.10.2015


La communication vient de couper
« Tika, réseau eza mabé »
La soeur ainée se rassied, la plus jeune reprend le téléphone
« J'appelle Tonton Paul »
La sonnerie indique que ça ne passera pas
La jeune soeur soupire.

Les deux se regardent, ont envie de rire ;
Les deux se regardent, ont envie de pleurer.

D'un revers de main, la plus jeune essuie ses yeux,
C'est elle la plus touchée.
La grande doit rester forte,
C'est d'elle qu'on attend les décisions.
Mais comment gérer quoi que ce soit,
Avec neuf mille kilomètres d'écart ?

Le téléphone sonne à nouveau,
Les deux se précipitent.
« Pesa code » seront les seuls mots,
A nouveau une coupure et le silence en écho.
A nouveau, les soubresauts des rires et des larmes,
Quinze ans sans la voir, c'était trop long.

Le fils de l'une arrive,
Si elle part dans deux jours, le prix est convenable ;
On s'arrangera pour le visa,
Quatre-vingts kilos en soute disponibles
De quoi habiller la famille au matanga.

Mais voici les doutes et l'inquiétude qui s'installent.
« Tu iras dormir chez qui ? »
Cela rappelle que Maman n'est plus là,
Et que le restant de la famille n'est pas uni.
Cela rappelle qu'on n'est plus là-bas chez soi,
Trente ans d'exil ont distendu les liens.

« J'appelle Tonton Paul » revient encore,
Comme si lui avait une solution.
Un calcul sur son âge s'impose,
Et ensuite sur celui de ses enfants.
On épargne une communication inutile,
Tous les frais sont comptés maintenant.

La fille de l'aînée fait des beignets,
Dans la soirée, la maison va se remplir.
Il faut sortir faire des courses,
Maman a droit à une belle veillée.
Le téléphone sonne et le code est enfin donné,
La morgue est payée pour la semaine.

Mais on insiste, il fallait envoyer plus !
La jeune soeur tente d'argumenter,
Yaya descendra probablement.
On dit qu'elle aurait dû le faire avant,
Mais que si elle vient, elle amène un portable,
« Eza mboka té » se lamente l'aînée.

La nuit est tombée depuis longtemps,
Les matelas au sol sont vides.
Les gens sont venus et sont repartis.
Ici, c'est comme chez les Blancs,
On préfère dormir chez soi,
Et puis demain, la majorité travaillera.

Les deux soeurs restent l'une près de l'autre,
Elles ont envoyé de l'argent quand elle n'allait pas bien,
Elles ont appelé mille fois pour avoir des nouvelles,
Elles ne lui ont pas tenu la main quand ça n'allait plus,
Elles ne lui ont pas dit au revoir lors de son dernier souffle.

Assises dans un fauteuil, ici en Occident,
Elles prennent conscience du drame qui est leur.
Elles ont perdu leur mère, à Kin ce matin.
D'une fratrie de onze, à un appart deux chambres,
Elles se sentent bien seules maintenant.

On mettra la photo de Maman Nkoko sur le bord de la cheminée.

 

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